Moana Gascogne, saison 2, épisode 5
Maintenant presque arrivés au bout de notre objectif géographique, nous prenons un peu plus de temps pour prospecter dans la zone Sud-Finistère. Depuis Concarneau, nous rejoindrons, presqu’en face, Loctudy et le pays bigouden.
La région est assez accidentée près de la côte, y compris avec l’archipel Glénan qui projette des hauts-fonds jusqu’à presque 12 milles du continent. Entre ces îlots et la côte bigoudène s’avance une langue relativement profonde avec des eaux de 60 à 80 mètres, et l’ensemble constitue donc un lieu intéressant à prospecter.

Éternel facteur déterminant, la météo demeure assez instable, et nous avons du mal à trouver une journée entièrement calme. Pendant une semaine d’affilée se met en place un régime de vent de Nord-Ouest avec une tendance plutôt Nord le matin et plutôt Ouest l’après-midi. Les fins de journées sont donc peu utilisables mais la côte et la pointe de Penmarc’h nous protègent assez bien pendant les matinées… c’est déjà ça !

Nous prospecterons ainsi plusieurs petites journées dans la zone, avec une ambiance assez dépaysante comparée au reste du Golfe de Gascogne. Première réjouissance : en passant au large des récifs affleurant non loin de l’Île aux Moutons, nous repérons une demi-douzaine de Phoques gris commençant à se reposer pendant que la marée baisse. Nous ne nous attarderons pas et n’essaierons pas de nous en approcher, mais nous voilà au moins contents d’avoir observé nos premiers phoques du Golfe de Gascogne.

Un peu plus loin des rochers et sous un ciel souvent grisâtre, le peuplement local de cétacés apparait, au moins de prime abord, assez similaire à ce qu’il était un peu plus à l’Est. Plusieurs petits groupes de Delphinus sont dispersés dans la zone, et quelques marsouins fréquentent discrètement la surface.
Le travail sur les Marsouins communs, dont les habitudes locales sont assez méconnues, est intéressant mais n’est pas facile. Discrets de par leur petite taille et leur comportement souvent calme, ils respirent en général cinq ou six fois avant de plonger plusieurs minutes… et le « jeu » est ensuite de les retrouver en sortie de sonde pour pouvoir avoir des données de chronométrage et d’autres informations sur leur activité locale. Plus difficile à faire qu’à dire, et cela demande idéalement des conditions de mer calmes que le régime de vent rechigne à nous offrir. En cela, leur étude ressemble un petit peu à celle des Ziphiidés que nous aimons bien… mais heureusement en étant plus facilement accessibles et en sondant beaucoup moins longtemps.

Entre deux observations, notre protocole de prospection nous tient évidemment occupés ; et nous remarquons, au fil des consignations régulières de données environnementales dans notre suivi de prospection PADOC, que la température de l’eau n’oscille qu’entre 14 et 16°C. Pas si chaud que ça pour un milieu d’été ! Mais finalement, la présence locale notable des marsouins, plus nombreux que ce à quoi nous nous attendions en cette période de l’année, ne pourrait-elle pas être reliée à cette eau frisquette ?
En allant un cran plus loin, on peut même penser que cette eau froide (anomalie négative de presque 1,5°C par rapport aux normales de saison) proche des côtes résulte du régime de vent de Nord-Ouest qui lèche la côte de Bretagne Sud depuis plusieurs jours : non seulement ce vent doit nous faire parvenir un peu d’eau provenant de la Manche occidentale, mais il doit surtout provoquer un phénomène d’upwelling, c’est-à-dire un phénomène de remontée d’eau froide et riche près des côtes (à l’image par exemple des eaux portugaises ou marocaines, grandes productrices de sardines sous l’effet des alizés). Une aubaine pour toute la chaine alimentaire !

Mais pour parfaire ce parfum de Manche, il manquerait un petit élément au peuplement cétologique… Le verrons-nous ? Nous l’espérons… et nous sommes récompensés ! Alors que nous retournons vers la côte par une après-midi brumeuse, nous détectons le fameux dos, le fameux aileron, et le fameux museau… d’un Rorqual à museau pointu, vous l’aviez deviné !

La houle n’est pas très propice à réaliser une belle observation, et les petits rorquals sont -particulièrement lorsqu’ils se nourrissent- des animaux assez imprévisibles, avec une nage rapide, des sondes de longueur variable, des changements de direction… Nous parviendrons tout de même à réaliser quelques chronométrages, probablement aidés par un peu de curiosité de la part de l’animal qui profitera d’une phase de respirations pour s’approcher à une cinquantaine de mètres du voilier avant de repartir pour une sonde dont nous ne le verrons pas sortir.

Entre phoques, marsouins et museaux pointus, on se croirait presque de l’autre côté de la Bretagne… un simple flux de Nord-Ouest suffirait-il à amener un peu de Cornouailles en Cornouaille ?