Moana Gascogne, saison 2, épisode 2
Nous continuons donc à guetter quelques dizaines d’heures de temps correct pour prendre le large, et à scruter les prévisions météo à défaut de scruter la surface de l’eau. Une première fenêtre a l’air « utilisable » jusqu’à deux jours avant, puis se ferme finalement.
La deuxième fenêtre est un peu meilleure, nous pouvons enfin mettre le cap au Nord. Le vent s’est calmé, mais il reste un bon mètre soixante-dix de houle à se prendre pleine étrave, et les premières heures sont assez inconfortables.

Une fois quelques milles au large des dernières zones de bancs affleurants, la mer se stabilise un petit peu, et nous pouvons prospecter correctement.
Le plateau charentais, comme à son habitude en été, n’est pas très généreux en cétacés. Quelques bancs de petits poissons épipélagiques peu déterminés animent de temps à autres la surface de l’eau, tandis que l’avifaune occupe un petit peu davantage l’équipier-secrétaire : sternes pierregarin et caugeks, skuas, puffins cendrés et fous de Bassan se relaient au milieu de goélands souvent argentés.
Nous jetons l’ancre à l’île de Ré, puis nous repartons rapidement avant que la météo ne se dégrade à nouveau. Nous prenons cette fois plein Ouest pour faire une incursion plus au large, où les profondeurs plus importantes sont un peu plus propices à la présence de cétacés, notamment pour ce qui est des Dauphins communs.

Nous faisons un crochet par le plateau de Rochebonne, une zone de hauts-fonds poissonneuse que les Delphinus affectionnent notamment en hiver, et régulièrement siège de captures accidentelles dans des engins de pêche.
Nous y trouverons effectivement beaucoup d’engins de pêche, mais pas de Dauphins communs, ni visuellement, ni acoustiquement. Des océanites et un fulmar boréal, pas si banal que ça dans le Golfe de Gascogne, apporteront un peu de vie à ce plateau.

Le tronçon suivant de notre prospection nous voit monter progressivement au large des côtes vendéennes. Certains poissons sont à la fête, d’autres un peu moins : des dizaines de thons rouges chassent avec entrain non loin du bateau.
Un petit peu à l’extérieur de l’isobathe 50 mètres, le protocole acoustique révèle plusieurs sifflements assez basse fréquence, caractéristiques de delphinidés de taille moyenne. Le suspense ne durera pas trop : 10 minutes plus tard, nous détectons un assez grand groupe de Grands dauphins. Une vingtaine d’animaux sont manifestement en phase de prédation, soufflant avec tonicité. Nous ne les intéresserons que peu, et nous les laisserons donc rapidement vaquer à leurs occupations sans risquer de les déranger.

À mesure que nous réapprochons de la côte et que les profondeurs diminuent, le vent de Nord-Ouest se rappelle à notre « bon » souvenir : Force 3, puis force 4 sur l’échelle de Beaufort, bientôt 5… les « moutons » apparaissent sur les crêtes des vagues, de plus en plus nombreux, la détectabilité des cétacés diminue en conséquence, et les conditions de prospection se dégradent à nouveau.
Sternes et fous de Bassan restent faciles à voir, et leur nombre augmente même progressivement, voilà toujours un petit lot de consolation.

Scrutées par quelques fous, trois petites formes foncées respirent soudain contre la houle, et croisent notre chemin pour passer à une centaine de mètres devant Anacaona… un petit groupe de marsouins !

Une observation assez inattendue avec ces conditions de mer, mais appréciée à sa juste valeur ! Les Marsouins communs, nombreux sur le plateau du Golfe de Gascogne en hiver, y sont en effet relativement peu fréquents en été, et ces données sont donc intéressantes.
Alors que le vent continue de forcir, nous accostons à l’île d’Yeu au terme d’une manœuvre un petit peu sportive.
Nous ne sommes pas les seuls à nous abriter ; la pluie se joint au vent. Force 5, force 6, … l’étape de régate locale, la Homard Cup, est même annulée, nous dit la rumeur du ponton. Pluie, éclaircies, re-pluie, force 6, même un petit peu de force 7, mer annoncée forte à très forte par Météo-France… et donc à nouveau quelques jours d’escale forcée pour nous… en attente de la prochaine fenêtre météo correcte pour reprendre notre route vers le Nord..!